Lettre 52 - 1/7/2011


« Monter à Jérusalem »



« On n’arrive pas à Jérusalem en avion », nous dit l’abbé Henry de Villefranche que nous avons consulté pour préparer notre voyage à Jérusalem, Christian ROGEZ et moi-même : « On monte à Jérusalem ». C’est ce que nous nous efforçons de faire de fait, depuis que nous avons le projet d’aller à Jérusalem fin 2012,  au cours de nos réunions interreligieuses de prières et de nos séminaires, en explorant en 2010-2011 « La Cité de Paix – Entrer dans les 7 demeures spirituelles » et en 2011-2012 « Jérusalem, Cité de Paix » dans les textes. C’est ce que nous nous efforcerons de faire dans la conception d’ensemble de notre voyage à Jérusalem qui sera de fait, un pèlerinage interreligieux en même temps que l’engagement d’un dialogue avec des personnes vivant là-bas, dans des positions et des postures diverses que nous serons sollicités à accueillir avec respect.

Dans le prolongement de notre cycle 2010-2011, pour préparer notre voyage à Jérusalem en 2012, nous sommes sollicités à entrer dans le mystère de la Paix qui nous vient de Jérusalem dans nos textes révélés, puisque étymologiquement Jérusalem signifie « Cité de Paix ». Mystère d’autant plus grand que la ville que nous visiterons en 2012, est un lieu où les divisions sont exacerbées

Qu’est-ce donc que la Paix qui nous vient de Jérusalem et que nous attendons toujours ? Sur quoi nous fondons-nous pour l’espérer?

« La paix est une affaire trop sérieuse pour qu’on la confie exclusivement à des diplomates » dit un jour le Grand Rabbin SIRAT. Nous espérons que la recherche spirituelle des Artisans de Paix puisse contribuer à aider les hommes à vivre et penser la paix autrement qu’à l’habitude, d’une façon non instrumentale, comme une fin en soi : cherchant la paix non pas en affermissant un statut d’autorité mais en développant le crédit de l’exemplarité ; non pas en contraignant les autres à apprendre mais en développant leur appétence ; non pas en visant une croissance individualiste mais une genèse des uns en relation avec les autres, pour un dessein de personnes en relation.

Les événements de l’année 2011 nous sollicitent à relever un certain nombre de défis. D’abord le défi nucléaire : les forces politiques en présence doivent relever le défi de l’indépendance énergétique et de la compétitivité de l’énergie, en faisant un bilan évolutif du rapport coûts / développement / sécurité pour toutes les centrales nucléaires, non pas par un référendum qui gère des émotions mais en instaurant un débat de confiance. Ensuite, il y a le défi de ce qu’on a appelé le « printemps arabe » : pour ne pas tomber de charybde en silla, les manifestants doivent discerner de façon critique, les facteurs qui créent un environnement favorable à la dictature et ceux qui créent un environnement favorable à la liberté. L’abandon à Dieu n’est pas la soumission à un homme, fut-il père, maître, imam ou chef politique. Une liberté qui prend ses responsabilités, ne prend jamais l’étranger comme bouc émissaire mais elle articule ce qu’elle veut en un mouvement de pensée et d’action, s’incarnant dans des institutions qu’elle construit. Pour cela, un partenariat avec une Europe de la Méditerranée peut être précieux.

L’IRSAP (l’Institut de Recherches Spirituelles des Artisans de Paix) en gestation, est appelé à jouer un rôle dans ces défis contemporains, par le moyen d’un compagnonnage interdiciplinaire, interreligieux et international, à instaurer et dont la visée est d’ « Accéder à la Liberté des Artisans de Paix » (§ 7 de la « Charte des Artisans de Paix », ratifiée lors de notre dernière AG). On parle de la liberté des artisans de paix comme de celle des enfants de Dieu. Mais sommes-nous libres quand le monde est dans cet état ? En aidant les autres à se libérer, nous nous aiderons nous-mêmes à faire la différence entre communautés -berceaux de vie et communautarismes sectaires, démocraties libérales et « kleptocraties » liant les pouvoirs locaux aux oligarchies d’affaires, valeurs islamiques d’éthique économique et sociale qui ressemblent étrangement à celles de la doctrine sociale de l’Eglise et fondamentalismes dont aucune religion ni mouvement de pensée fut-il laïc n’est à l’abri.

Pour que les choses changent durablement en Méditerranée, pour qu’un ensemble euro-méditerranéen dynamique, compétitif et pratiquant l’équité sociale puisse émerger, ne faut-il pas que la société européenne participe du « printemps arabe » en contestant les oligarchies qui appauvrissent les économies européennes, ne créant pas assez d’opportunités d’emplois et précarisant chaque année un plus grand nombre d’Européens de toutes nationalités ? Nous sommes invités à repenser en même temps le devenir non plus d’une seule rive de la Méditerranée mais de ses deux rives et de leurs liens multiformes.

Peut-être un jour éprouverons-nous que la laïcité n’est pas une doctrine mais une manière de vivre ensemble où les religions peuvent se sentir bien ? Car la grandeur d’une religion, ce n’est pas son pouvoir de coercition mais de donner à penser à ceux qui ne sont pas de sa religion. Les religions sont appelées à donner une réalité concrète aux valeurs de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité ; et ce faisant, à donner à penser à tous. La peur de l’autre est étrangère aux valeurs profondes de nos religions. Elle est une menace pour la République. La Loi de 1905 peut suffire, encore s’agit-il de l’interpréter comme une laïcité positive. Pour Olivier Abel, « les religions ont une fonction métapolitique aussi indispensable que l’était la Tragédie dans la Grèce antique. En ce sens, il ne faut pas abandonner le regard des prophètes, qui, en marge du politique, disent le deuil, la fragilité du monde…  Mais, ensuite, il ne faut pas oublier l’invention géniale du canon biblique, qui a su rassembler des traditions et textes apparemment incompatibles, obligeant la communauté à les réinterpréter ensemble». Olivier Abel voit en cette invention, le geste fondateur de la démocratie, tout autant que les réformes d’Athènes à l’âge classique.

Si la démocratie est à réinventer continuellement pour donner à chacun la chance de recommencer, elle repose sur un pacte implicite de chacun avec tous, qui fonde la confiance mutuelle sur la vieille idée biblique de l’Alliance, avec le sentiment que nous sommes mutuellement endettés (le tout étant plus que la somme des parties), sur la séparation des pouvoirs et sur l’institution d’une limite constitutionnelle avec la possibilité pour chacun, de rompre le pacte, de protester contre un ordre injuste, de partir en exode. La liberté est une libération.

Nous attendons du politique qu’il ne se fonde pas sur l’émotion médiatique mais qu’il réveille la citoyenneté et avec elle un projet du « vivre ensemble », qu’il ne développe pas tant la quantité des connaissances et des biens que l’esprit critique qui permet de les discerner, qu’il ne s’attache pas tant aux identités qu’aux existences. Les religions peuvent aider le politique à jouer son rôle à condition qu’elles soient elles-mêmes, sans singer les pouvoirs politiques. C’est ainsi que toute religion est appelée à faire une analyse politique de sa propre responsabilité dans l’histoire, pour développer le dialogue avec les autres acteurs et institutions de la vie culturelle et sociale. « Le XXIème siècle sera-t-il le siècle où les religions sortiront du piège de la politique ? » se demande le professeur Jean Paul Durand o.p.. C’est à cette condition qu’elles joueront leur fonction métapolitique en devenant inspiratrices du politique. Nous nous efforcerons cette année de laisser les religions être elles-mêmes, en approfondissant la voie spirituelle des Artisans de Paix, par des séminaires, des réunions interreligieuses de prières mais aussi 2 weekends interreligieux qui prépareront notre montée vers Jérusalem où nous espérons être en novembre 2012…

Bon été à tous et à bientôt, dans l’amitié et l’espérance.

Paula Kasparian


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