Lettre 56 - 4/10/2012


Comme Jean-Paul II, le pape Benoît XVI fait du dialogue interreligieux le pivot de la recherche de la paix. Et il fonde celui-ci sur la communion… Parole majeure pour les Fraternités Artisans de Paix : l’Hébraïque annoncée par Soukot, l’Eucharistique transcendant les religions, et l’Islamique promise par l’Aïd Al Adha.



EN MARCHE VERS LES FRATERNITES ARTISANS DE PAIX

L’exhortation apostolique post synodale du pape au Moyen Orient

L’Exhortation apostolique du Pape aux Chrétiens d’Orient va « tracer un chemin vers l’essentiel », affirme Benoît XVI au premier jour de sa visite au Liban. La séance de la signature de l’Exhortation apostolique a eu lieu dans la splendeur de la basilique Saint-Paul des grecs-catholiques, à Harissa (au nord de Beyrouth), sur fond de chants byzantins et au milieu de strictes mesures de sécurité. Elle s’est tenue en présence du chef de l’État, de quelques officiels venus à titre personnel, des patriarches orientaux ou de leurs représentants, du clergé libanais et arabe, de délégations orthodoxe, musulmane et druze, ainsi que de celles du monde de la culture et de la société civile. Le miracle fut que l’exhortation fut accueillie autant par les musulmans que par les chrétiens, faisant du Liban un « pays message », un « laboratoire » d’artisanat de la paix. En ce sens, Benoît XVI s’inscrit dans la continuité du pape Jean-Paul II qui avait parlé du Liban comme d’un « pays symbole ».

Ce message va bien au-delà des frontières du Moyen-Orient, il est pour l’humanité tout entière. Dans la continuité de l’œuvre apostolique de Jean-Paul II, le pape Benoît XVI fait du dialogue interreligieux le pivot de la recherche de la paix. Et il fonde celui-ci sur la communion et le témoignage. Nous nous sommes trouvés totalement rejoints, dans ce que nous mettons en œuvre dans le cadre de notre association « Artisans de Paix »  où le Dialogue interreligieux n’est pas d’abord celui de l’Action, ni celui du Sens, mais celui du Salut où nous faisons chacun et ensemble, l’expérience d’être sauvés. Nous disons que nous nous engageons dans une voie de sanctification (ce qui est la vocation de toutes les religions) en nous appuyant les uns sur les autres, avec la diversité des traditions représentées parmi nous (ceci caractérise la vocation des artisans de paix). Nous nous reconnaissons frères, en nous rencontrant sur le terrain de l’Expérience de l’Esprit qui souffle où il veut.

Dans le §3 de l’exhortation, Benoît XVI écrit : « C’est  justement en raison de son origine divine que la communion a une portée universelle. Si elle interpelle de façon impérative les chrétiens, en raison de leur foi apostolique commune, elle n’en demeure pas moins ouverte à nos frères juifs et musulmans, et à toutes les personnes, qui elles aussi, sous des formes diverses, sont ordonnées au Peuple de Dieu ». Parole majeure pour la crédibilité de la Fraternité Eucharistique des Artisans de Paix, ouverte à tous les hommes de bonne volonté. Cette communion n’est pas un syncrétisme : « L’Église catholique au Moyen-Orient sait qu’elle ne pourra pas manifester pleinement cette communion aux plans œcuménique et interreligieux si elle ne la ravive pas avant tout en elle-même et au sein de chacune de ses Églises, parmi tous ses membres : patriarches, évêques, prêtres, religieux, consacrés et laïcs. L’approfondissement de la vie de foi individuelle et le renouveau spirituel interne à l’Église catholique permettront la plénitude de la vie de grâce et la theosis (la divinisation de l’homme). Ainsi crédibilité sera donnée au témoignage ».

Notons que si le pape a parlé devant des Chrétiens et des Musulmans, les Juifs étaient présents dans l’exhortation : « La nature et la vocation universelle de l’Église exigent qu’elle soit en dialogue avec les membres des autres religions. Ce dialogue est fondé au Moyen-Orient sur les liens spirituels et historiques qui unissent les chrétiens aux juifs et aux musulmans. Ce dialogue, qui n’est pas d’abord dicté par des considérations pragmatiques d’ordre politique ou social, repose avant tout sur des fondements théologiques qui interpellent la foi. Ils proviennent des Saintes Écritures et sont clairement définis dans la Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen gentium, et dans la Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, Nostra aetate. Juifs, chrétiens et musulmans, croient en Dieu Un, créateur de tous les hommes. Puissent les juifs, les chrétiens et les musulmans redécouvrir l’un des désirs divins, celui de l’unité et de l’harmonie de la famille humaine. Puissent les juifs, les chrétiens et les musulmans découvrir dans l’autre croyant un frère à respecter et à aimer pour donner en premier lieu sur leurs terres le beau témoignage de la sérénité et de la convivialité entre fils d’Abraham. Au lieu d’être instrumentalisée dans des conflits répétés et injustifiables pour un croyant authentique, la reconnaissance d’un Dieu unique peut – si elle est vécue avec un cœur pur – contribuer puissamment à la paix de la région et à la cohabitation respectueuse de ses habitants ».

Et le pape parle longuement des « liens nombreux et profonds » qui unissent les chrétiens et les juifs, ancrés dans un « précieux patrimoine spirituel commun ». Pour parler des juifs, les mots de « Peuple élu » sont prononcés avec tellement d’amour, qu’ils sont reçus dans un pays où ils sont rarement entendus, le Liban. « Le Christ, le Fils de Dieu, s’est fait chair dans un peuple, dans une tradition de foi et dans une culture dont la connaissance ne peut qu’enrichir la compréhension de la foi chrétienne. Les chrétiens ont enrichi cette connaissance par l’apport spécifique donné par le Christ lui-même à travers sa mort et sa résurrection (cf. Lc 24, 26). Mais, ils doivent toujours être conscients et reconnaissants de leurs racines. Car pour que la greffe sur l’antique arbre puisse prendre (cf. Rm 11, 17-18), elle a besoin de la sève qui vient des racines » (§21). Plus loin : « Ce lien qui unit tout en les séparant juifs et chrétiens, doit les ouvrir à une responsabilité nouvelle les uns pour les autres, les uns avec les autres. Car, les deux peuples ont reçu la même Bénédiction, et des promesses d’éternité qui permettent d’avancer avec confiance vers la fraternité » (§22).

 

Bonnes fêtes de Soukot à nos amis juifs !

« La vérité ne peut se développer que dans l’altérité qui ouvre à Dieu qui veut faire connaître sa propre altérité à travers et dans mes frères humains. Ainsi, il ne convient pas d’affirmer de manière excluante: ‘je possède la vérité’. La vérité n’est possédée par personne, mais elle est toujours un don qui nous appelle à un cheminement d’assimilation toujours plus profonde à la vérité ». Ce propos de Benoît XVI, me paraît en parfaite communion avec le sens de la fête de Soukot que célèbrent nos amis juifs cette semaine. Je remercie le rabbin Yeshaya Dalsace pour son message très éclairant sur le sens de cette fête. C’est ce message que je vous partage, pour manifester la Fraternité Hébraïque des Artisans de Paix ouverte avec cette fête à l’universalité de la bénédiction divine.

« La fête de Soukot n’exprime-t-elle pas  l’accomplissement de la Fraternité Hébraïque des Artisans de Paix ? », ai-je demandé un jour à Dan Arbib. L’idée lui a plu. « Soukot est la troisième fête hébraïque de pèlerinage à la suite de Pessah et Shavouot » nous dit le rabbin Yeshaya Dalsace. « A l’époque du Temple on allait à Jérusalem où se tenait une fête particulièrement joyeuse. Soukot dure une semaine (comme Pessah) et se termine par une fête supplémentaire, un huitième jour : Shemini atseret, surnommée également Simhat Tora. L’origine de Soukot est agricole, c’était la fête des récoltes (hag haassif) qui marque les vendanges, la récolte des dattes, des figues et des olives, nourriture basique à l’époque. Cette fête marque donc la fin de la saison agricole qui a commencé avec Pessah (fête des prémices). Dans ce contexte, il semble que la souka, cabane de branchages, servait d’abri aux gardiens dans les champs qui surveillaient la récolte. Du point de vue de l’histoire biblique, cette fête commémore le séjour d’Israël dans le désert, la souka représente alors les nuées divines protégeant le peuple d’Israël durant son errance de 40 ans ». C’est cette fragilité de la  souka qui fait d’elle le symbole de la vie nomade du peuple hébreu protégé par Dieu. Elle semble lui dire « N’ayez pas peur ».

ACCOMPLIR LA PROMESSE pour le peuple hébreu, ne serait-ce pas instituer un Peuple de peuples artisans de paix, sans accaparement aucun de la vérité ? Souccot, la fête des cabanes, en étant le temps de la récolte, marque le  temps de la maturité et de la rétribution du peuple juif. C’est pourquoi elle est le temps de l’accomplissement. Il remarquable que cet accomplissement se fête dans la Souka , une intallation toujours précaire. La fête de Soukot indique ce paradoxe d’une sédentarité nomade du peuple hébreu.  L’ »hébreu » ne signifie-t-il pas « celui qui traverse » ? Il traverse le désert, le Jourdain, la terre, le temps, la Vérité dont il est appelé à garder mémoire pour marcher vers l’en avant du temps.

« D’un point de vue mystique, cette fête représente la capacité de l’humain à se mettre en harmonie avec le monde et son créateur. La souka représente alors l’équilibre fragile entre le matériel et le spirituel, le terrestre et le céleste (c’est pourquoi le toit de branchage doit laisser passer le jour). Le huitième jour de fête est indépendant de soukot (la souka n’est plus utilisée ce jour-là et on entame une nouvelle unité de temps par la bénédiction שהחיינו). Shemini atseret représente la vision d’une possibilité messianique, le dépassement du 7 naturel, par le 8 de l’infini… La fête de soukot véhicule un message universel : la réunion de toutes les nations du monde unies dans une même communion et une même paix (c’est pourquoi on parle de soukat shalom). La Souka devient alors une sorte de temple messianique ouvert à tous. Cet universalisme est marqué entre autres par le rappel des 70 taureaux qui étaient offerts au Temple de Jérusalem en hommage aux 70 nations (70 façons d’être un humain) qui composeraient l’humanité d’après la tradition juive. Les textes bibliques lus à la synagogue annoncent clairement que Jérusalem deviendra lieu de pèlerinage pour toutes les nations (Zacharie 14) » commente le rabbin Yeshaya Dalsace.

Cette idée de rassemblement se retrouve également dans le loulav, bouquet de 4 plantes différentes (Cédrat, palme, myrte, saule) tenues ensembles et agitées vers les 6 directions de l’espace (symbole du cube qu’on retrouve également dans la souka) durant l’office de la fête. Chaque plante représente un climat différent, mais aussi les différents types de Juifs. On rassemble tout le monde et on s’adresse à toutes les directions de l’univers pour assembler les bonnes énergies vers le centre qui est celui qui tient le loulav, donc l’homme lui-même ayant atteint l’harmonie intérieure et l’harmonie avec l’univers représenté par la souka. Pour la kabale, la fête de soukot unit toutes les 7 sefirot de l’arbre de vie, chacune étant représentée par un personnage biblique invité chaque jour et incarnant une dimension spirituelle particulière à laquelle nous nous associons. L’idée à retenir est donc l’union de toutes les facettes humaines et spirituelles pour atteindre l’harmonie et la fraternité. Vaste programme qui vient couronner le cycle des fêtes juives.

 

Bonnes fêtes de l’Aïd al Adha à nos amis musulmans,

Le 26 octobre prochain nos amis musulmans vont fêter l’Aïd Al Adha, appelée la Grande fête. Elle rappelle le sacrifice d’Abraham, prêt à immoler son fils en témoignage de sa foi. Au moment où il s’apprête à donner le coup fatal, l’Ange Gabriel arrête son bras et son fils est remplacé par un mouton. Cette fête illustre un acte de fraternité et de partage et correspond à un moment de prières intense. Autour du sacrifice du mouton, va se dérouler une fête familiale où l’on se souhaite toutes sortes de vœux.

Quand j’ai interrogé Tarik Abou Nour sur la fête sur laquelle devrait se fonder la Fraternité Islamique  des Artisans de Paix, il m’a dit sans hésiter, « la fête de l’Aïd ». La Fête du Sacrifice rappelle  la soumission complète d’Abraham. Elle appelle à  l’extinction (Fana) qui signifie « tuer/sacrifier l’ego ». L’Eternel donne en retour à celui qui y consent, l’intimité avec Lui (Khulla), et un enfant qui sera le père de tout un peuple.

Le Grand Djihad, la traversée des ténèbres intérieures pour arriver à la Lumière sur Lumière, donne à la fête de l’Aïd tout son sens: le sacrifice du bélier et non de l’enfant par Abraham. Il donne son sens plein à la Fraternité Islamique des Artisans de Paix qui interdit le sacrifice humain.

La fête de la fin du mois de Ramadan manifeste l’hospitalité exemplaire de l’Islam authentique, à l’image de celle d’Abraham considéré comme le premier musulman au sens historique du terme. La charte de Médine permit aux trois religions du Livre de cohabiter et de vivre en paix et en harmonie leur pluralité.

 

En marche vers les Fraternités Artisans de Paix,

Bonnes fêtes à tous et bonne rentrée !

Paula Kasparian,

Présidente des Artisans de Paix


Recherche par mot-clé

artistes de Dieu; Connaissance connaissances révélées connaissances scientifiques Corps Elie Fraternité Toraïque des Artisans de Paix; Fraternité Eucharistique des Artisans de Paix; Fraternité Islamique des Artisans de Paix; Jérusalem; Al Qaouzah (Sud Liban); Istanbul; Institut itinérant des Artisans de Paix; sanctification; voie; artisans de paix Moïse paradigme des Artisans de Paix Prophétie Sagesse sciences Sinaï Souffle Toucher de l'Esprit Transfiguration épistémologie des Artisans de Paix

Recherche par thème


Recherche par lieu


Recherche par date

Login

Lost your password?