Lettre 42 - 1/6/2008

Retour d’un séjour en Israel et célébration de la fête de Pessach à Jerusalem. La lecture de la Hagadah – récit de la sortie d’Egypte – autour de la table du Seder par une assemblée familiale de 26 enfants et adultes, juifs et non-juifs, Israéliens et étrangers, du plus jeune (un an) au plus âgé (80 ans) face au Mont Zion, exprimait l’espoir de la paix dans la cité du même nom, au coeur d’une région déchirée par les conflits.

Le veille, recueillement à Yad Vachem: écoute, au mémorial des enfants, de l’appel, l’un après l’autre, de quelques uns des noms du million et demi d’enfants victimes de la Shoah sur les six millions de sacrifiés… silence, au coeur du monument en forme de dédale de blocs de pierre, qui évoque les 3 000 communautés européennes anéanties… méditation, au musée qui rappelle les étapes successives du culte du mépris dont l’aboutissement fut la mise en oeuvre calculée, systématique, industrielle de l’extermination de tout le peuple juif et de tant d’autres personnes jugées inférieures ou infra-humaines, gitans, arriérés mentaux, infirmes….

“Peut-être y a-t-il une explication métaphysique à tout cela? Si aux yeux de l’humanité les Juifs sont ‘le peuple élu’, alors, pour le mécréant qu’était Hitler, l’anéantissement des Juifs devait signifier l’accomplissement du vieux rêve prométhéen d’écarter Dieu, de se mettre à sa place et de créer un nouveau monde sans Dieu, d’où seraient bannis tous les croyants en Dieu” (August von Kageneck, Unsere Geschichte, Pendo Verlag Zürich 2003 P. 127).

On sort de Yad Vachem traumatisé, éprouvé, cautérisé par le poids de l’histoire et le souvenir de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants dont la vie a été abrégée au nom d’une doctrine véritablement diabolique.

Aujourd’hui, Israel est l’incarnation de toutes ces victimes: “Ainsi parle le Seigneur YHVH. Voici que j’ouvre vos tombeaux, et je vous fais remonter de vos tombeaux, mon peuple, et je vous reconduirai sur le sol d’Israel… et je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez” (Ezéchiel 37, 12-14). “Am Israel hai”, le peuple d’Israel vit. Et tout le pays vit au rythme des fêtes religieuses des trois monothéismes: après Pessach, viennent la Pâque orthodoxe, puis l’Ascension et la Pentecôte, puis les fêtes juives des Premiers fruits et des Semaines , le chant du muezzin de chaque mosquée appelant jour après jour les Musulmans à la prière.

Le peuple d’Israel vit les 60 ans de son état retrouvé et ses 40 siècles d’existence. Mais encerclé par des états dont plusieurs sont franchement hostiles et dont l’un au moins réclame son anéantissement avec des propos rappelant ceux des nazis.

Il sait qu’il doit parvenir à une entente avec le peuple palestinien qui co-habite avec lui sur cette étroite bande de terre entre Jourdain et Méditerranée, d’Est en Ouest, et entre le Liban et la Syrie au Nord, l’Egypte au Sud.

Une barrière inachevée sépare les terres d’Israel de celles des Palestiniens: elle procure temporairement aux Israéliens une sécurité toute relative contre les attentats suicides et cause aux Palestiniens une gène quotidienne considérable, qui ne peuvent qu’à grand peine commercer et travailler en Israel, sans garantir la paix à long terme ni aux uns ni aux autres. Elle devra à terme disparaître. Rappelons qu’en Irlande du Nord des “murs de protection” séparent toujours quartiers catholiques et quartiers protestants dix ans après les accords de paix du Vendredi Saint de 1998.

Israel vit sous la menace permanente des missiles à long portée du Hezbollah au Liban, que la FINUL semble impuissante à neutraliser, et sous le feu quotidien des fusées à courte portée du Hamas à Gaza. Ces dernières, lancées à partir de boucliers humains, sont assurées de faire des victimes à chaque riposte. Et pourtant le pays entier connait une croissance économique le double de celle de l’Europe; l’effort de construction est intense, dans les villes et villages arabes et druzes comme dans les agglomérations juives. L’industrie de haute technologie d’Israel est en pointe dans le monde et ses universités sont de classe mondiale. Côté israélien et côté palestinien l’immense majorité de la population aspire à la co-habitation pacifique, à l’image de ce qui se passe à Neve Shalom Wahat as- Salam (“VeYachav Ami biNevé Shalom” =“Mon peuple habitera une oasis de paix” Isaïe 32-18).

Ici, à mi-chemin entre Tel Aviv et Jérusalem vivent ensemble dans une certaine aisance, des familles israéliennes, juives et arabes, chrétiennes, musulmanes ou agnostiques. Leurs enfants, plus d’une centaine, sont scolarisés ensemble en arabe et en hébreu. Chaque été, des dizaines de jeunes israéliens et arabes de tout le pays et des territoires occupés viennent à l’Ecole de la Paix du village, faire l’apprentissage du “vivre ensemble” en découvrant et en respectant les différences avec “l’autre”. Bruno Hussar, son fondateur, juif, dominicain, israélien, était le candidat d’Israel pour le Prix Nobel de la Paix en 1989. De nombreux autres exemples de coopération israélo-palestinienne existent en Israel, notamment en matière de santé et de formation professionnelle. Au bout du processus de négociations en cours, deux états, israélien et palestinien, co-habiteront en paix et dans une prospérité partagée sur cette terre. L’Europe doit appuyer cet effort de toutes ses forces avec le nouveau levier que représente l’Union pour la Méditérranée.

Germe de Paix s’inscrit dans cette voie. Il vise à apporter sa contribution à ces actions multiples en faveur de la paix dans la région, qui démontrent, par l’exemple, que la co-habitation dans la convivialité et la prospérité sont possibles pour peu que l’on travaille ensemble à mieux se connaître, tout en produisant en commun des biens et des services utiles à la société, à l’exemple de Neve Shalom Wahat as-Salam.

Apportez votre concours à Germe de Paix, en argent, en nature (votre temps et vos compétences), en idées, en contacts utiles, en Europe et au Proche-Orient. Contactez-nous.

Edmond Lisle